Ce sont les trésors du musée, les pièces les plus anciennes, celles qui ont conféré au musée sa réputation. Connus des naturalistes européens au XVIIIe siècle, alors visités au cabinet de Charenton, délaissés aux XIXe et au début du XXe siècle car vestiges d'une science révolue, ils ont pris aujourd'hui une valeur patrimoniale et culturelle assez rare chez les objets de science.
Ils sont le fruit des travaux d’Honoré Fragonard, né à Grasse en 1732 et cousin germain du célèbre peintre Jean-Honoré Fragonard.
Honoré Fragonard, 1732-1799
Il suivit un apprentissage de chirurgien, obtint son brevet en 1759 et fut recruté en 1762 par Claude Bourgelat pour devenir professeur et démonstrateur d’anatomie dans la première école vétérinaire à Lyon. Il commença à réaliser des pièces anatomiques qui furent exposées dans le cabinet d’anatomie de cet établissement.
A la demande de Bourgelat et de Bertin, ministre des finances du Roi, Louis XV décida la création d’une école vétérinaire à Paris et Fragonard se rendit dans la capitale avec quelques élèves en 1765. Ils s’installèrent provisoirement dans le nord de Paris où Fragonard réalisa de nouvelles préparations anatomiques. L’école s’implanta finalement en 1766 à Alfort et il en devint le directeur et le professeur d’anatomie. Ses préparations furent exposées dans le nouveau cabinet de Roi du Château d’Alfort où il acquit une certaine notoriété. Sa carrière à Alfort fut cependant brève. Les conflits incessants qu’il avait avec Claude Bourgelat conduisirent à son renvoi.
Il continua cependant à disséquer à son domicile et vendit ses préparations, ce qui lui assura de confortables revenus. Il fut un révolutionnaire engagé et participa activement aux réformes de la Révolution. En 1793, il siégea au Jury national des arts aux côtés de son cousin Frago et du peintre David. En 1794, il fut nommé membre de la Commission temporaire des arts et chargé d’inventorier les cabinets d’anatomie. Il entreprit l’inventaire et la description du Cabinet de l’Ecole d’Alfort. Il y décrit 3033 pièces dont les célèbres Ecorchés qui font aujourd'hui le succés du Musée Fragonard. Il suscita, bien malgré lui, l’intérêt de personnalités scientifiques, ce qui conduisit en1795 au pillage des collections. L’école de Santé et le Museum d’histoire naturelle se partagèrent 600 pièces.
Fragonard rêvait de réunir toutes ces collections en un vaste Cabinet National d’Anatomie : il fut le témoin impuissant de leur dispersion. Il en fut profondément affecté et se retira à l’école de Santé de Paris, comme directeur des recherches anatomiques. Il y mourut le 5 avril 1799.
Quelques pièces de Fragonard ou de ses élèves
Le cavalier, Honoré Fragonard, 1765 - Copyright Patrick Forget - SagaPhoto
Cette pièce exceptionnelle, la seule qui puisse être attribuée avec certitude à Fragonard, est le plus volumineux des écorchés conservés au Fragonard. Elle représente un homme et un cheval disséqués, chevauchant dans l’éternité.
Des inventaires révèlent que Fragonard avait réalisé d’autres préparations de chevaux portant des cavaliers mais celui-ci est le seul qui nous soit parvenu. Ce cavalier tenait autrefois dans sa main droite des rênes de velours bleu qui passaient entre les machoires du cheval, tandis que sa main gauche tenait un fouet. L’aspect macabre de la scène était renforcé par de petits fœtus humains montés sur des moutons ou des fœtus de chevaux, formant autour du « Cavalier » une petite armée.
Nilgault, 1773 - Copyright Patrick Forget - SagaPhoto