Du 16 mars 2021 au 9 avril 2021, 335 personnes venues se faire dépister dans les centres de dépistage Covisan AP-HP de l’Hôtel Dieu et de la mairie du 14ème arrondissement de Paris ont été incluses dans cet essai et étaient analysables. Les participants étaient âgés de 35 ans en médiane (6 à 76 ans), 295 (88%) étaient âgés de plus de 18 ans et 170 (51%) étaient des femmes.
Pour le test olfactif canin, des échantillons de sueur axillaire ont été recueillis via des compresses posées deux minutes sous les aisselles des participants à l’étude. Elles ont ensuite été enfermées dans des bocaux puis ont été reniflées par au moins deux chiens différents. Ces derniers n’ont pas été en contact avec les volontaires. Neuf chiens entrainés, des pompiers des Yvelines et de l’Oise, de l’EnvA, ou venus des Émirats arabes unis, ont participé à l’étude.
>>> En savoir + : prélèvements et expérimentation en février 2021 à l'EnvA
Concrètement, les bocaux contenant les compresses ont été envoyées à l’Ecole vétérinaire d’Alfort puis placés dans des « cônes d’olfaction » disposés en lignes afin que chaque chien puisse venir pratiquer une analyse olfactive. Cette dernière nécessite une fraction de seconde par prélèvement et présente donc, outre le côté non invasif de l’examen, l’avantage de fournir un résultat instantané et un coût de mise en œuvre des plus limité. Cette détection était faite en aveugle du résultat de la RT-PCR nasopharyngée.
Résultats
Sur 335 personnes testées, 109 sont positives en RT-PCR nasopharayngée (test de référence). La sensibilité du test olfactif canin est de 97% (Intervalle de confiance 95% : 92-99) et la spécificité de 91% (IdC95% : 87-95).
Ces résultats confirment scientifiquement la capacité des chiens à détecter une signature olfactive de la COVID-19. Cette étude est la première de ce type réalisée au niveau international et devrait ouvrir la voie à une utilisation élargie du chien de détection olfactive dans la lutte contre la COVID-19, dans la droite ligne des récents travaux conduits sous l’égide de l’Organisation Mondiale de la Santé. Une implémentation de cette approche diagnostique pourrait être envisagée en vue de cibler les personnes devant bénéficier d’un dépistage virologique et de faciliter le dépistage de masse du fait de la rapidité de réponse des chiens.
L’agence régionale de santé d’Ile-de-France a soutenu et suit de près cette expérimentation dans le cadre de la stratégie « Tester, Alerter, Protéger ».
Pour la Région Ile-de-France, qui a soutenu financièrement cette étude à hauteur de 25 000 euros, cette technique offre des perspectives prometteuses dans d’autres champs diagnostics qui devront être accompagnées par la mise en place d’une filière complète de formation des chiens comme des professionnels.
>>> Communiqué de presse
Questions/réponses sur le projet de détection olfactive de la covid-19 par des chiens
Comment est né le projet des chiens de détection olfactive de la COVID-19 ?
Quelles furent les étapes de travail dans le programme Nosaïs-Covid19 de l’EnvA ?
- Décider du type de prélèvements sur lesquels travailler, dans l’hypothèse où la présence du virus génèrerait un effluve spécifique captable par le chien ; Les options possibles : salive, urine, air expiré, sueur. La sueur est retenue car non contaminante, et sera prélevée sous les aisselles pour prévenir toute contamination passive ;
- Réunir des chiens déjà formés en détection olfactive (chiens de détection d’explosifs, chiens sapeurs-pompiers de recherche de personnes ensevelies ou égarées) afin de gagner du temps dans le process de formation ;
- Définir le mode de présentation des prélèvements aux chiens qui garantisse la sécurité sanitaire de ces derniers : conception de cônes de détection olfactive ;
- Obtenir les prélèvements positifs et négatifs nécessaires : convaincre les hôpitaux du bien fondé du travail (le premier à répondre fut l’HIA Begin de St Mandé) ;
- Monter une salle dédiée au sein de l’EnvA
- Initier des partenariats, par exemple avec Royal Canin, Dômes Pharma et CEVA.
Les membres de l’équipe Nosaïs-Covid19 de l’EnvA ?
- Pr Dominique Grandjean (enseignant-chercheur, chef de département)
- Clothilde Julien (cynotechnicienne, coordinatrice du projet Nosaïs)
- Capucine Gallet (éthologue, responsable formation)
- Vinciane Roger (vétérinaire, assistante hospitalière)
- Cynotechniciens et chiens des SDIS 78 et 60
Comment le chien fait-il pour capter ces odeurs ?
Le virus, lorsqu’il infecte une cellule de l’organisme, se sert de celle-ci pour se répliquer et produire des molécules chimiques spécifiques. Il en résulte des catabolites (déchets de ces molécules) que l’organisme évacue par ses émonctoires (urine, larmes, salive, sueur, …). Ils constituent alors des composés organiques volatils qui viennent se fixer sur les récepteurs de la muqueuse olfactive du chien et, lorsque ce dernier a été formé à les reconnaitre, génèrent son réflexe de marquage.
L’odorat du chien est considérablement plus développé que celui de l’homme, avec 250 millions de cellules olfactives contre seulement cinq millions chez l’humain. Il peut ainsi déceler une odeur en ne disposant que de quelques microgrammes de la substance recherchée.
Pourquoi et comment le chien marque-t-il un prélèvement ?
Quel type ou race de chiens peut-il faire ce genre de détection ?
Absolument tous les chiens peuvent être formés. Mais un chien pratiquant déjà la détection olfactive sera plus rapide à comprendre, en ajoutant simplement une odeur à sa bibliothèque de références olfactives.
Les chiens « brachycéphales » (à museau très court) sont toutefois moins efficaces, car ayant de fait une surface de muqueuse olfactive plus faible. Dans le programme de l'EnvA, les chiens sont de race Malinois, Berger hollandais, Tervueren, Groenendael, Labrador, …
D’autres pays travaillent-ils sur le sujet ?
Mi-mai 2021, plus de 50 pays travaillent, à différents stades (formation initiale, validation, déploiement…) dont 35 en suivant les méthodes et préconisations « Nosaïs-Covid19 » (voir carte).
L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) pousse le concept et a déjà organisé plusieurs séminaires permettant de regrouper informations et avancement des recherches (voir document annexé).
Certains pays ont déjà déployé des chiens, en particulier les Emirats Arabes Unis, avec qui nous travaillons depuis mars 2020, en aéroports, frontières et via des unités mobiles de dépistage canin.
En quoi l’étude Salicov-APHP avec l'EnvA, conduite en partenariat avec la Région Ile-de-France et visant à déterminer en conditions réelles les performances de la détection olfactive canine, consistait-elle ?
L’étude SALICOV-APHP a été mise en place pour fournir une évaluation robuste, en vie réelle, de stratégies alternatives à la PCR sur écouvillon nasopharyngé pour le diagnostic de l’infection Covid-19. La détection olfactive canine a donc été évaluée dans ce cadre.
Les centres de prélèvements de l’APHP ont ainsi fait parvenir 335 prélèvements codés de sueur axillaire (compresses chirurgicales placées dans des flacons de verre opaque) à l’équipe NOSAÏS, et ceux-ci ont été systématiquement testés par des équipes de deux chiens des sapeurs-pompiers des Yvelines, de l’Oise, et un chien de l’EnvA. Les résultats furent fournis aux équipes APHP qui seules disposaient des informations sur les patients ainsi que des résultats des analyses PCR correspondants.
Les chiens ont fourni des performances au-delà des espérances de l'équipe Nosaïs, puisque la sensibilité moyenne (taux de marquage de prélèvements positifs) est de 97p100 (100p100 sur les 192 patients asymptomatiques !) et la spécificité moyenne (taux de non marquage de prélèvements négatifs) de 91p100 (94p100 chez les asymptomatiques).
Quel peut être en France l’avenir de la détection olfactive canine de la Covid-19
C'est maintenant aux autorités de décider. Les Académies de médecine et vétérinaire, ainsi plus récemment que le Comité scientifique dédié à la Covid-19, avaient rendu des avis favorables prônant un développement et un financement visant à un déploiement des chiens en soutien d’un dépistage massal. Les applications opérationnelles sont nombreuses : EPHAD (partenariat avec l’association Handi’s Chiens), aéroports, ports, universités, clusters, événements…
Cela passe par la mise en place de formations de formateurs, par la mobilisation des institutions françaises disposant de chiens de détection (armée, police, gendarmerie, sapeurs-pompiers, douanes, administration pénitentiaire, ….), voire les clubs canins, les sociétés privées spécialisées ou les particuliers bénévoles.
Combien de chiens ont été formés en France dans le cadre de Nosaïs ?
L'étude se poursuit-elle ?
Oui car l'équipe du Pr Grandjean a encore plusieurs protocoles en cours avec, par exemple, l’Hôpital Foch de Suresnes (92), et sur le centre de formation construit par le Laboratoire CEVA à Libourne (33) en collaboration avec le CHU de Bordeaux.
Les chiens marquent-ils les variants ?
A ce jour, nous savons que les chiens marquent sans problème les variants anglais, sud-africain et brésilien. L'équipe attend de pouvoir tester sur variant indien dès que des prélèvements sont disponibles.
Rechercher la Covid-19 altère-t-il les autres capacités de dépistage olfactif des chiens ?
En aucun cas. Dépister la Covid-19 ne fait qu’ajouter un effluve à la bibliothèque d’odeurs de référence du chien. Un chien de recherche d’explosifs, de stupéfiants, de personnes… ne perd en rien ses autres qualités de travail, contrairement à ce que peuvent dire certains.
Combien de temps faut-il pour former un chien ?
Du côté de l'équipe Nosaïs, il a toujours fallu sept à huit semaines pleines pour former un chien et lui faire passer le test de validation. Mais au fil du temps et en affinant les méthodologies on peut sans nul doute aller plus vite. L'équipe y travaille.
Faut-il beaucoup de prélèvements pour former un chien ?
On ne peut pas former de manière fiable un chien avec seulement quelques prélèvements, car celui-ci est capable d’en mémoriser les odeurs individuelles. Il faut que le chien ne mémorise que l’odeur commune retrouvée dans une centaine de prélèvements positifs différents. Et comme il doit aussi ne pas marquer les négatifs, il faut environ 200 de ces derniers dans la phase de formation. La validation qui s’ensuit (qui se fait en double aveugle) requiert à peu près le même nombre de prélèvements nouveaux. Mais en phase opérationnelle il est possible de simplifier ces procédures.
Combien la formation d’un chien coûte-t-elle ?
Essentiellement le temps main d’œuvre mis à disposition pour les cynotechniciens et les formateurs ; une ligne de 10 cônes d’olfactions coûte environ 6 000€, le reste est constitué de matériels simples (compresses, bocaux, réfrigérateur, congélateur,…).